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Michel de Grèce

C’est l’une de nos bonnes étoiles. Il a mis Yannick sur le chemin de l’Inde. Qui elle-même l’a mis sur le chemin de Beena. Il resplendit de biens précieux : la noblesse du coeur, la jeunesse de l’esprit, l’humour fin et surtout, la liberté.

Michel de Grèce fait partie des personnalités qu’il faut vivre et ressentir en le lisant, en l’écoutant et, si l’on en a la chance, en le rencontrant. Yannick va vous raconter la belle histoire de sa rencontre avec lui, il y a presque vingt ans.

Yannick : Je venais d’embarquer dans un avion pour rentrer de New York à Paris. Un monsieur fort charmant était assis à côté de moi. J’avais acheté “The Pillars of the Earth” de Ken Follett dans une boutique de l’aéroport. Bizarre, car je détestais les romans historiques à cette époque là. Je pose le roman devant moi. Ce monsieur me dit : “Ah tiens, vous aimez les romans historiques ?”. Je lui réponds avec sincérité : “Non, je déteste ça !”. Et nous voilà embarqués dans une discussion qui dura toute la nuit, toute la durée du vol, sur la vie. Nous avons parcouru un océan de petites histoires, nous régalant d’échapper à l’ennui d’un vol de nuit tourmenté. A l’atterrissage, je ne savais toujours pas qui était ce monsieur. Avec élégance, il me remit sa carte au moment où nous nous quittâmes. Je lus en belles lettres gravées : Michel de Grèce. Je compris que ma sincérité l’avait conquis. Un maître du roman d’histoire se doit de combattre les fanatiques…jusque dans sa discipline.

C’est avec un immense plaisir que nous partageons cette première interview de nos “Rencontres” avec le Prince Michel de Grèce.

Sur “karma & joie”

Yannick : Notre nouveau site s’appelle karma & joie, qu’est-ce que ce nom vous inspire ?

Michel de Grèce : Génial, j’adore le titre !

Être jeune, ça veut dire quoi ?

Yannick : Première question qui nous tient à cœur, car vous êtes pour nous une incarnation de la jeunesse éternelle. Être jeune, ça veut dire quoi ?

Michel de Grèce : Être jeune, c’est une jeunesse d’âme, de cœur et d’esprit. Le corps n’a qu’à suivre. De Gaulle disait : “L’intendance n’a qu’à suivre”. Et bien moi je dis : “Le corps n’a qu’à suivre”. La vieillesse, sincèrement, je n’ai pas idée de ce que c’est. J’ai 81 ans, je vais avoir 82 ans, la vieillesse, connais pas. Ce n’est pas que je ne veux pas la connaître, c’est que je ne sais pas ce que c’est.

Je vais vous dire vraiment mon expérience. Quand je regarde un papier où il y a mon âge, je tremble, je me dis : “je suis complètement fou, c’est la fin”. Mais à part ça, je ne sens pas l’âge, je ne me sens pas vieillir. C’est pas que je ne veux pas, c’est comme ça.

Quel est le secret de cette situation ? C’est que, comme je le dis souvent, Dieu m’a donné la vie, mais il m’a donné encore quelque chose de plus précieux, qui est l’amour de la vie. J’aime la vie, c’est en moi.

Je garde mon coeur intact. J’aime les gens. J’aime ma famille. J’aime mes amis, plus que jamais. J’adore mes petits-enfants, qui sont un enchantement. Mais je répète, ça arrive naturellement chez moi. J’ai un immense intérêt pour un nombre de choses vraiment vaste. C’est-à-dire, mon travail, l’écriture, l’histoire. J’aime lire, j’aime voyager, même en pensée, j’aime regarder les belles œuvres. J’ai tellement d’intérêts dans la vie que je n’ai pas une seconde pour moi, pour me dire: “mais quand enfin tout de même, tu ferais bien de regarder quel âge tu as !”

Beena : Comment faites-vous pour cultiver l’amour de la vie ?

Michel de Grèce : Chacun a sa recette, je ne peux pas donner de “recette”.

L’esprit, c’est cultiver son intérêt pour des tas de choses. Mais ces intérêts, ils naissent presque, il suffit de les cultiver, il ne faut pas les écarter. Vous sentez un intérêt pour quelque chose, et bien cultivez-le, ne le mettez pas de côté en vous disant, ah mais ce n’est pas mon intérêt principal, ou je n’ai pas le temps. Non, cultivez-le !

La jeunesse de cœur, c’est évidemment les sentiments de tous genres qu’on peut avoir. Là aussi, il faut cultiver. Il ne faut pas se dire, ah mais non, ce n’est pas bien. Non. Aimez autant de gens que vous voulez, de toutes les sortes que vous voulez.

Le troisième, l’âme, c’est si vous voulez une communication avec la spiritualité. Je pense que la spiritualité est indispensable pour vous garder hors d’âge. Parce que la spiritualité n’a pas d’âge, ne s’intéresse pas à l’âge.

Le corps, lui, doit être entretenu, c’est indispensable. Par un régime sain, goûter à tout mais pas d’excès. Et par un entretien du corps, par des exercices, par la marche, par le grand air. Surtout par le contact avec la nature, qui pour moi est la vitamine essentielle. Il faut être en contact avec la nature, avec la mer. Être près d’eux, les aimer, les respecter, la mer, la nature, les arbres, les champs, la terre, tout. Ça pour moi est essentiel à l’entretien du corps, qui est essentiel à l’entretien de la jeunesse.

Ma foi est en moi

Michel de Grèce : Ma foi est en moi. Vous vous rappelez ce que disait le fameux lord anglais à Voltaire. Voltaire avait été en Angleterre et avait été épouvanté par le nombre de sectes, de religions, de branches du protestantisme. Alors, il a demandé à un lord anglais : “Et vous, my lord, de quelle religion êtes-vous ?”. Et l’autre lui a répondu : “J’ai une petite religion à moi”. Bon, voilà [rires].

Regarde la nature, c’est comme ça que tu sauras la vie

Yannick : Dans votre pratique d’historien, est-ce qu’il y a une figure, un personnage en particulier qui a été une source d’inspiration pour être jeune tout le temps ?

Michel de Grèce : Oui, mais c’est une figure de ma vie personnelle. C’est ma grand-mère maternelle, qui s'appelait Isabelle de France, duchesse de Guise et qui, à la mort de ma mère quand j’avais 14 ans, m’a protégé. Elle avait 81 ans, l’âge que j’ai maintenant, et elle était d’une jeunesse incroyable. Et, je me rappelle, un jour, nous étions en promenade dans la campagne au Maroc et nous nous sommes arrêtés avec la voiture. Alors ma grand-mère regardait le paysage, comme ça, fascinée, à travers son face-à-main. Et moi, j’ai ouvert mon livre et je me suis mis à lire. Et ma grand-mère a fermé mon livre et elle a dit : “Ce n’est pas là où tu apprendras la vie, regarde la nature, c’est comme ça que tu sauras la vie”. C’est elle qui m’a transmis cet amour de la vie, et aussi cette jeunesse.

La jeunesse ne signifie pas qu’on cherche à paraître plus jeune. Ca c’est ridicule, c’est un signe de vieillesse justement de chercher à paraître plus jeune [rires]. Et oui, avec tous les liftings et tout ça, c’est que vous vous sentez vieux si il faut vous lifter. C’est une jeunesse qu’on sent en soi. Voilà. Je ne sais pas. Une énergie, une flamme. C’est de se réveiller le matin content de se réveiller.

La recette de la vie, c’est…

Yannick : Question pour vous qui nous encouragez à pratiquer une curiosité permanente. S’il y avait une question qui devait mobiliser notre esprit en ce début de nouvelle décennie, quelle serait-elle ?

Michel de Grèce : Que faire pour rester dans le chemin de la lumière ?. C’est une question que l’on doit se poser tous les matins. Il ne faut pas se poser de question sur quel sera l’avenir. Parce que c’est inutile. Il faut se poser des questions sur comment agir, et quoi faire, en tout. Et comment agir pour agir bien et positivement. Parce que le chemin de la lumière, c’est des énergies positives, c’est s’intéresser aux autres. C’est, en fait, les recettes de la survie. On ne peut pas survivre, on ne peut pas vivre, on ne peut pas laisser les années passer si on ne s'intéresse pas aux autres. C’est la grande recette. Peut-être c’est la recette principale de la vie.

J’ai horreur du mot “mort”

Beena et Yannick : quelque deux heures après notre interview, Michel de Grèce nous a rappelés pour partager les mots suivants.

Michel de Grèce : Je vais parler de ce qu’on appelle la mort. Je suppose que, vu mon âge, beaucoup de gens hésitent à me demander ce que j’en pense. Par politesse. Et bien non, je vais en parler.

J’ai horreur, mais horreur, du mot “mort”. Pour moi, ça n’existe pas.

Ce que les gens appellent la mort est un passage d’un état à un autre. Même si on est très âgé, il ne faut pas être pressé, en se disant mon dieu je n’ai pas le temps, j’ai que quelques mois, quelques années. Non. La vie se prolonge au-delà du passage sous une autre forme.

Il ne faut pas avoir peur de la mort. Il ne faut pas être pressé, on a tout le temps.

Je trouve ça épouvantable quoi [de croire qu’il n’y a rien après la vie, après cette vie] de croire ça. Écoutez, c’est désespérant, autant finir tout de suite si c’est comme ça. Mais voilà [rires].

Ah j’adore la vie. Je l’aime en elle-même, j’aime le mot, ça existe, c’est tout. [point final]

Cheminer en compagnie de Michel de Grèce

Vous pouvez trouver sa bibliographie et de riches invitations à savourer sa lecture de l’Histoire sur son blog : Prince Michael's Chronicles. Nous vous recommandons grandement ses Mémoires Insolites.